22 mai 2012

Du temps de l'ORTF...

Hello !
A défaut d'avoir un peu de temps pour écrire ces jours-ci, je publie ce papier, rédigé à la veille du second tour de la présidentielle à Tulle. Pour tout vous dire, je m'étais auto-censurée, vous comprendrez sans doute pourquoi...

A très vite,
Pau.

(De l'autre côté de la barrière... Photo AE)


"A quelques heures de retrouver tous mes collègues journalistes dans une jolie petite bourgade de Corrèze, j'avais envie de vous raconter deux ou trois choses qui m'avaient légèrement contrariée le 22 avril dernier.
"Je veux être le président de la justice", nous dit François Hollande. Formidable, parlons-en à son service de presse. Justice et liberté de la presse, c'est important aussi, non ?
Quelques anecdotes, donc.

Le 21 avril dernier, lors de l'installation pré-premier tour, à Tulle, les caméras étaient évidemment trop nombreuses. Pas assez de place pour les pieds de caméra, tout le monde veut être bien placé. Pour cela, il faut arriver tôt, le plus tôt possible, pour avoir la meilleur place possible, poser son pied pour marquer son territoire. De ma courte carrière journalistique, je n'ai jamais vu d'emplacement pré-réservé pour un média, qui ne serait là lui-même pour le conquérir ! Bref, ce soir-là, alors que tous les emplacements étaient pris, et les équipes techniques bien en place, vers 19h30, une équipe d'une très grande chaîne privée (genre grosses audiences pour ne pas la citer) arrive avec une responsable de la communication du candidat FH. Ils regardent l'estrade, plus de place pour s'installer. Ils reluquent l'emplacement d'une agence, AP, quasiment dans l'axe du pupitre d'où FH fera son discours. La responsable com dit tout simplement "qui c'est, là ? Bon, on va mettre biiip ici. Enlevez moi ce pied. Ne vous inquiétez pas, on va vous installer là" (en gros). Un peu penaud, le JRI n'a pas vraiment envie de virer un collègue, absent par ailleurs, car lui non plus n'aimerait pas que ça lui arrive, un jour. Prévenus par d'autres journalistes (que je ne citerai pas mais que je connais très bien) qui assistent à la scène médusés, les journalistes de AP reviennent, il étaient partis sereins, tiens. Ils ne comprennent pas trop pourquoi ils devraient bouger, bataillent, parlent. Finalement, ils bougent leur pied de caméra pour le mettre à l'extrémité de l'estrade. Tranquillement, la très grande chaîne privée s'installe sur la place de rêve. Sans préjuger de ce qui a bien pu être débattu, prévu, dealé, je trouve ça bizarre. Un peu agaçant, en fait.

Le 22 avril après-midi, un de nos journalistes (équipe d'une chaîne d'info en continu, vous voyez le truc ?), parvient à rentrer (sans effraction, hein !) dans l'enceinte du Conseil général de Corrèze, avec des équipes de TF1 et France 2. Il demande au service de presse du CG s'il peut juste tourner quelques images de FH à son arrivée, voire dans son bureau où il doit écrire son discours. Pendant de très longues minutes, le service com refuse, et lui demande de partir. Mais pas à TF1 et France 2. Il tente de négocier, sec. Mais le refus est formel. Le chargé de com du CG le menace d'appeler la sécurité. Finalement, notre journaliste sera viré, très fermement par d'autres communicants arrivés sur place. Argument : TF1 et France 2 ont "dealé" ces images il y a bien longtemps. Des lieux ne peuvent pas être ouverts aux journalistes ? Ca se conçoit, évidemment. A certains, mais pas à d'autres, plus difficile à comprendre. Les notions d'égalité et de justice m'échappent un peu. Surtout quand il s'agit d'un lieu public.

Le soir, tous les journalistes attendent FH au Centre culturel, où il doit faire sa déclaration. Une attachée de presse tente de nous faire quitter le parking en nous disant que nous n'avons pas le droit de filmer son arrivée (pas le droit ? Sur un parking public d'une salle municipale ?). Soi-disant, un "pool" est prévu (une équipe d'un média tourne les images et les donne à toutes les autres chaînes, pour éviter la multiplication des caméras). Personne n'a entendu parler de ce pool, bizarre. Nous décidons de rester sur le parking. On nous demande de rester derrière des barrières. Bizarre, les équipes de France 2 s'installent de l'autre côté, elles. Je vais donc demander gentiment si nous pouvons passer de l'autre côté de la barrière, nous aussi, pour avoir une meilleure image, éventuellement une mini-interview à l'arrivée de FH. Refus de l'attachée de presse. France 2 a demandé l'autorisation depuis longtemps. (Depuis, nous avons appris que rien n'avait été négocié, tout s'est organisé au dernier moment NDLR) Tiens, bizarre, c'est maintenant TF1 qui passe de l'autre côté de la barrière. Je retourne demander si l'espace est désormais ouvert à tous (je sais, je suis chiante), ou si TF1 a aussi "dealé" ça depuis longtemps. Les hommes de la sécurité me repoussent et me demandent de partir, je leur demande de pouvoir parler à l'attachée de presse. Ils refusent même de l'appeler pour moi. Plusieurs journalistes se font ainsi tout simplement virer. Même Victor Robert, la star beau-gosse de la maison C+ fait le pied de grue derrière les barrières. Nous, petits médias, nous attendrons le candidat-futur-président sous la pluie. Qu'il se rassure, il ne sera pas gêné par nos micros.

Je ne reproche pas tellement à ces grosses chaînes de "profiter" de ce système-là pour travailler dans les meilleures conditions possibles. Après tout, je ferais sans doute la même chose à leur place et trouverais ça légitime. J'ai plus de mal à comprendre ce comportement de la part d'équipes de com d'un candidat qui prône l'exemplarité. On ouvre les portes à tout le monde, ou à personne. Pas de "deux poids, deux mesures", svp. On le refuse au sujet des puissants, dans la justice. Refusons-le pour les médias.

Quelques anecdotes, donc. Qui m'amènent à penser que le pouvoir finit toujours par monter à la tête. Et qu'il est bien dommage de reproduire des comportements qu'on a critiqués pendant cinq ans.

Allez, salut les amis, je range ma machine à râler, je suis quand même super contente d'y retourner ! "

9 mai 2012

Tulle, 6 mai



Samedi 5 mai, 15h : J'arrive sur Tulle. Passage par la place de la Cathédrale. C'est donc là que tout se passera, en plein air, zéro protection contre la pluie et le vent qui nous avaient tant malmenés il y a deux semaines. Pas de praticable pour les journalistes, petite scène, pas de salle pour la presse écrite... Bon. Nous devons être bien mal habitués.

16h : toute l'équipe se retrouve à l'hôtel pour un point sur l'organisation. Quatre cameramen-women, trois rédacteurs, une stagiaire. Manquent les deux techniciens qui travaillent d'arrache-pied pour mettre en place tous nos moyens, et les deux motards, qui nous retrouveront demain. Nous mettons en place le dispositif. On a envie de se marrer, tant l'excitation est grande. Mais il faut rester sérieux, ne pas se disperser, que chacun intègre bien son rôle, sa tâche, son emploi du temps. La journée va être folle.

18h : l'équipe du PS nous a donné rendez-vous à l'Hôtel Mercure de Tulle, pour nous informer du dispositif, et nous donner nos accréditations. Il y a du monde partout, des têtes connues, les "pontes" du Hollande tour, comme ils se plaisent à le/se décrire. Je suis contente de croiser certaines personnes. D'autres, beaucoup moins...
La responsable de la communication monte sur une chaise, se fait chambrer puis énonce le dispositif. En gros, il faudra s'adapter. "En cas de victoire...", ils préfèrent évoquer cette éventualité. "Si FH n'est pas élu...", là, rien ne se passera comme prévu. L'équipe de campagne préfère éluder cette idée. C'est à se demander s'ils ont même envisagé cette option ! Quelques questions, puis on nous distribue nos badges faussement magiques. Il se trouve que je suis à côté du carton rempli des sésames. Les journalistes se mettent à pousser dans tous les sens et à crier pour être servis en premier. J'hallucine. derrière, ça pousse.
Je me retourne sur le pressé à lunettes qui tente de me passer devant : "pas de panique, il y en aura pour tout le monde..." Certains "grands" médias ont l'air de penser que la délivrance des accred se fait dans l'ordre des audiences...
Dans les couloirs, avec les attachés de presse, entre journalistes, ça discute, ça négocie. On demande des précisions, on veut connaître chaque détail du déroulement de la journée. Alors qu'on sait très bien que tout explosera en vol demain. Que, sans doute, rien ne se passera comme prévu, et qu'il faudra s'adapter. Les images en exclu, petites infos des canards, se discutent aussi dans ces moments-là.

20h : notre équipe se retrouve au restaurant. On reparle du premier tour, anecdotes et couacs. On fait une photo de groupe. Nous sommes tous là, chacun sait ce qu'il a à faire. Certains angoissent, veulent aller se coucher au plus tôt. D'autres auraient bien envie de boire quelques verres. J'hésite. Trop de fatigue.

Dimanche 6 mai, 5h39 : Yeux ouverts. Mal au crâne mais esprit en ébullition. Impossible de me rendormir, trop de choses se bousculent dans ma tête. Nous y sommes donc ?

6h15 : le réveil sonne. Je ne m'étais pas rendormie.

6h55 : nous arrivons sur le lieu de vote. Quelques photographes sont déjà là. Toujours les mêmes matinaux, qui viennent pour marquer leur territoire. Premier direct à 7h30. A côté de nous, deux Anglais de Sky tv. Sympas, british, pros. La classe anglaise.

9h : la foule de journalistes, policiers, membres de l'équipe de campagne grossit de minute en minute, si bien que la police doit mettre en place une déviation. Je suis censée partir à Sarran, filmer le vote de Bernadette Chirac. Je bou(d)e, je trépigne. J'ai envie de rester à Tulle, d'être là où ça se passe. Ma rédaction en chef me demande finalement de rester ici, l'heure du vote de Bernadette Chirac est incertaine, autant être utile ici. Je saute de joie !
Avec ma grosse caméra sur l'épaule, je tente de me frayer une place le long de la barrière, entre les équipes de France 24 et du Petit Journal (j'aime pas trop être à côté d'eux, généralement). Je me retrouve à attendre aux côtés d'un photographe amateur avec un matos de pro, très bavard. Français, il vit en Amérique du sud, mais est revenu pendant la campagne. Vient prendre des photos ici et espère faire le buzz avec ses clichés (prononcer buse). Je demande gentiment au bénévole de la sécurité juste devant moi s'il pourra se décaler de quelques centimètres quand François Hollande arrivera, ou se reculer, pour que je puisse faire une image. Il me dit que non. Bon ben ok, merci.

10h30 : FH arrive. Sa voiture le dépose au bout de la barrière. Je quitte mon poste en courant, pour espérer avoir une image. Je tourne, il est juste en face de moi, serre des mains, fait des bises. Je tends mon micro, et crie une question brillante de journée de vote du type "comment vous sentez-vous aujourd'hui M. Hollande ?". Il regarde mon micro, ne répond pas et continue son chemin. C'est la cohue, évidemment. Il s'engouffre dans son bureau de vote. Je tente de retrouver une bonne place. Je fais une image de sa sortie. Ces deux ou trois secondes si dingues où des dizaines de journalistes crient la même chose : "Par ici s'il vous plaît !". L'image en boîte, je cours jusqu'à sa voiture. Là, la bataille est terrible, l'espace, pas bien grand, et la sécurité, sur les dents. On a dû demander à Valérie T. de sourire aujourd'hui car elle garde un visage serein alors qu'elle semble d'habitude excédée et stressée par ces bains de foule. J'arrive à faire une belle image, je suis en face d'eux, quelques secondes dingues avant de me faire éjecter par la force de la masse qui me tombe dessus. Arrivés jusqu'à la voiture, la violence entre journalistes est à son comble, certains se font littéralement écraser contre le mur. J'en vois deux ou trois qui se poussent et se repoussent, s'insultent en en oubliant presque leur photo. Bon ils se battent, quoi. Un journaliste se prend violemment une portière dans la figure, la voiture tente de se frayer un chemin parmi la cohue de flashes. Les journalistes courent à côté de la voiture et shootent aux fenêtres, sur une centaine de mètres. La voiture accélère ensuite, c'est fini. Jamais vu une telle violence.



11h45 : je file à Sarran. Sur la route, des trombes d'eau. J'ai l'impression qu'il pleut tout le temps, dans cette cuvette de la région ! Sur place, quelques journalistes, bien moins que le 22 avril dernier. L'un deux me parle de A Fleur de Pau et de mon récit du premier tour (yeaaaaaah !). Bernadette Chirac arrive. Cette fois, je ne sors pas l'attendre dehors sous la pluie, pour éviter toute buée sur l'objectif de ma caméra. Elle vote, deux fois, évidemment. Elle est de moins bonne humeur que la dernière fois, mais accepte quand même de répondre à nos questions, dans une autre salle "pour ne pas gêner les autres électeurs". Elle est agacée par nos questions sur la campagne de Nicolas Sarkozy, sur la stature de FH, qu'elle avait critiquée. Elle finit par nous lâcher que son mari était un vrai Corrézien, lui, pas un Normand ! Mais qu'une élection de FH serait quand même profitable à la Corrèze. Je file à Tulle, le marathon continue.

13h30 : j'arrive au Conseil général. Notre technicien est venu installer ici le véhicule satellite qui était ce matin au bureau de vote. D'autres collègues arrivent avec une poche remplie de sandwiches. Bénis soient-ils. J'envoie mes images. Les duplex devant la porte toujours bien fermée du CG s'enchaînent. Je tente de m'allonger dans la voiture quelques minutes, de réduire le rythme. Ma tête tourne. Je me remplis de la chaleur des rayons de soleil, enfin là ! Puis nous attendons.
Nous n'avons aucune information sur l'heure d'arrivée de FH à son bureau du CG alors nous sommes sur le qui-vive, prêts à dégainer la caméra à chaque instant. C'est usant. Mes collègues partent pour la place de la Cathédrale, il commence à y avoir du monde... Le GIPN arrive au CG. Puis FH arrive en trombe, à son tour. Valérie T. nous fait un petit signe de la main, cachée derrière ses lunettes noires. A l'intérieur, France 2 et TF1 ont été autorisées à tourner quelques images... L'ORTF is back. Tout le monde a l'air de trouver ça normal. De l'extérieur, on observe un journaliste de France 2 en colère contre le service de com ou de sécurité. Il essaie de faire rentrer une collègue de FR2 dans le CG semble-t-il. Il crie très fort : "Il s'agit du prochain chef de l'Etat. Vous pensez vraiment qu'il souhaite se mettre à dos France Télévisions ?" J'hésite entre rire devant tant de ridicule, ou pleurer sur mon métier.

19h30 : je commence à m'équiper. Tout à l'heure, je devrai suivre la voiture de François Hollande en moto, tout en filmant. Aviwest (c'est le système qui nous permet de transmettre en direct les images que nous filmons) sur le ventre, petite caméra à la main, manteaux contre la pluie, casque de moto avec en-dessous le kit mains libres... Je m'installe sur la moto, il faut être prêts à partir à tout moment, dès que le cortège de FH franchira les portes du CG. Je resterai ainsi pendant plus d'une heure, sans bouger. A 20h, je ne suis même pas l'annonce du résultat, qui tombe en même temps que des litres d'eau. On le connaît depuis plus de deux heures, évidemment. Tous les journalistes piétinent devant le portail, avec leur casque sur la tête. Ceux qui n'en portent pas sont des badauds, qui sont venus en espérant apercevoir leur nouveau président, ou un bout de sa main, au détour d'une fenêtre de bagnole... Fausses alertes. La rumeur d'un malaise de FH court. Rumeurs, rumeurs... On voit finalement le portail s'ouvrir, les motards qui nous conduisent relancent les moteurs. Puis on se résigne. Vers 21h15, enfin, ça bouge. Différemment des autres fois, plus intensément. La voiture déboule devant moi, je vois FH tout sourire saluer par la fenêtre. La moto démarre fort, très fort, je suis plaquée vers l'arrière comme dans un décollage d'avion. Le cortège de voitures et motos descend à vive allure. Les motards jouent des "coudes" pour être bien placés, pour que l'on puisse faire une image, mais la route est sinueuse, assez étroite, et c'est trop risqué. Je porte la caméra haut, le plus haut possible, à bout de bras, en espérant que cela fasse une image potable. J'ai l'impression que cette descente dure 15 secondes. Nous déboulons tous sur la Place de la Cathédrale, nous descendons tous de nos motos en courant, casque toujours sur la tête, pour nous jeter dans la cohue de sécurité, fans, heureux, familles, enfants, journalistes. C'est très violent, les gens crient de toutes parts, nous poussent. ce coup-ci, ils veulent eux-aussi, leur image de ce moment. Je suis bloquée par les barrières, mes collègues prennent le relais de l'autre côté. Je suis coincée derrière la cathédrale, et j'entends la clameur, énorme, gronder lorsque FH monte sur la scène. C'est incroyable, je frissonne. Mais je ne vois rien. En changeant batteries, cartes mémoire, en donnant le matériel à toute hâte à mon collègue qui doit prendre le relais, je peste "mais pourquoi je suis là, bordel, je suis là mais je ne vois rien !!" (je trouve toujours un moyen de râler, n'est-ce pas ?). Je n'ai absolument rien entendu du discours... Je remonte sur ma moto et j'attends à nouveau. J'ai lâché la caméra à un collègue, je n'ai gardé que le micro, au cas où il dirait quelques mots à la fenêtre de sa voiture, façon Chirac... Au loin, ça gronde. On voit que tout bouge tout d'un coup, le cortège sort à une vitesse folle, sous les cris et applaudissements du public, une quinzaine de motos s'engouffre derrière le cortège. Là, je me demande vraiment si je suis en train de vivre ce que je suis en train de vivre. Moi la petite journaliste pas sûre d'elle, et de son boulot, qui n'avais encore jamais oser toucher une caméra il y a cinq ans, qui avais suivi la dernière campagne présidentielle comme stagiaire, le soir, après mes journées de boulot à Sud Ouest. Voilà, j'y suis. Et beaucoup donneraient sans doute cher pour être à ma place...
Bref, 45 minutes de moto, à toute vitesse. Partout, à chaque croisement de route, sur chaque pont d'autoroute, les gens sont là, crient, applaudissent, les flashs crépitent à notre passage (bon, plutôt à celui de FH qu'au mien, j'en conviens, mais quand même...), il y a même des fumigènes. Sur la route, certains sont fous. Les motards de TF1 doublent tout le monde sur la bande d'arrêt d'urgence, le cameraman debout sur la moto. Ils zigzaguent, s'imposent, freinent pour empêcher un concurrent de passer, sont dingues. Nous avons dit pas de prise de risque, nous ne prenons pas de risque. Je kiffe ! Notre cameraman s'approche de la voiture et fait de supers images. Nous arrivons à l'aéroport de Brive, des milliers de gens sont là, le long de la route, applaudissent. L'étau se referme. Je saute de la moto et pars en courant. FH est déjà, à nouveau, en plein bain de foule. Sa sécurité a l'air paniquée. Les gens sont hystériques, nous poussent, veulent avoir leur part du gâteau, en ont marre de ces journalistes qui s'interposent entre leur président et eux, partout, tout le temps. Nous arrivons à arracher un mot à FH, pendant qu'on m'arrache la tête, en appuyant fort, très fort, sur mon casque de toutes parts. Je me laisse emporter par la foule, FH s'en va, il passe la grille, c'est fini. Je cours encore un peu, à la recherche de quelque chose à faire. Mais non, c'est fini. Des collègues nous attendent avec un véhicule satellite pour envoyer nos images. Les journalistes parisiens reprennent l'avion, déjà, si vite. A peine le temps de se remercier et de se dire que ce qu'on a vécu était fort. Je suis affamée, j'ai la gorge sèche, il n'y a rien à boire nulle part.
A mon tour, je rentre en moto sur Tulle. 25 minutes au retour. Je suis avachie sur l'énorme moto à selle chauffante (!), au creux de trois gros manteaux, je lutte contre le sommeil. Je me laisser bercer par la route, les images, les flashes, les cris.

0h15 : De retour à Tulle, la fête bat encore son plein. Genre fêtes de Bayonne, les cadavres de bouteilles de bière jonchent le sol, des musiques kitsch retentissent, sourdes, dans ma tête. On finit de plier câbles et matériel. On n'a même pas ouvert la bouteille de rouge que j'avais emmenée, mais on a mangé tous les Chamallows. Certains vont manger un bout, boire un verre. Les gens sont joyeux dans les rues, il souffle un petit vent de je-ne-sais-quoi de sérénité, d'autres ont l'alcool triste. Je vais dormir, demain, il y a encore les matinales, les directs à 7h, l'après, les journaux du matin, les analyses et les "Tulle s'est réveillé...". C'est fini. Même pas la force de pleurer.

Pau.