25 janv. 2012

Petit Journal : l'entarteur encarté !



Il paraît qu'on en parle partout ce soir ! On en débat sur Twitter, on en débat sur France Info, on en débat par mails entre journalistes... Les trublions du Petit Journal de Canal ont-ils droit à la carte de presse ?


La question se pose forcément, à l'heure où la CCIJP (commission de la carte d'identité des journalistes professionnels) croule sous les demandes de renouvellement du précieux sésame, par tous les journalistes, pseudos, auto-revendiqués, ou vrais de vrais. Ben j'avoue que moi aussi je me suis demandée (en même temps, on ne me demande pas mon avis, hein). C'est bien pratique et précieux, une carte de presse, sachez-le. Tout d'abord, ça nous permet de rentrer à l'oeil dans tous les musées, all over the world. L'expo est pourrie ? On ne culpabilise même pas de sortir au bout de 4 minutes, on n'a pas payé. La retrospective Gauguin à Londres ? Tout le monde fait la queue pendant des heures, et nous, on file. Je sais, c'est absolument abusif et injustifié, mais on ne va pas cracher dans la soupe.
Au-delà de ça, et plus sérieusement, elle nous permet surtout de travailler sereinement dans tout un tas de situations, d'accéder à plein d'endroits privés, et d'approcher au plus près de gens importants. Et cette année, ça compte.


Il y a ceux qui sont contre :
http://www.rue89.com/rue89-presidentielle/2012/01/25/le-petit-journal-une-machine-distraire-pas-informer-228738

Et ceux qui sont pour :
http://blogs.lexpress.fr/media/2012/01/25/pourquoi-yann-barthes-merite-doublement-sa-carte-de-presse/?xtor=RSS-3011


Je ne vais pas refaire le débat, pas la légitimité pour. A titre personnel, je suis plutôt pour. Je ne vois pas comment on peut juger, a priori, qu'un sujet ne mérite pas d'être fait, qu'un journaliste ne mérite pas d'être entendu, écouté, reçu, en raison de la légèreté ou le décalage de son information. Ce n'est plus le moment de rigoler ? Justement, si ! Et le Petit Journal nous a informés de manière bien moins informelle et consensuelle que tous les médias réunis ces dernières années, soulevant au passage pas mal de questions sur nos méthodes, et notre utilité.


Sauf que.


Sauf que sur le terrain, pas facile de bosser à côté des équipes du Petit Journal. Voilà ce que nous vivons. Tout d'abord, les journalistes de l'émission de Yann Barthès ne sont pas toujours sympathiques, souvent dans leur coin, isolés des autres professionnels, si bien que l'on se demande un peu toujours de quel côté ils sont (si tant est qu'il y ait des côtés !). Evidemment, pour parler et se moquer de la meute, il ne faut pas en faire partie. Honnêtement, ce n'est pas très agréable de se sentir observé en permanence, jugé, voire même écouté par les membres du Petit Journal, quand on sait qu'ils ont souvent piégé les journalistes. Leur perche pour capter le son traîne toujours au milieu des conversations (qui n'ont parfois rien à voir avec le boulot) de chacun et dans "la meute", tout le monde finit par se regarder en chien de faïence : "attention à ce que tu dis, Le Petit Journal est là". En gros, souriez, vous êtes filmés. Un de mes collègues s'amuse d'ailleurs à les filmer régulièrement, et dans ce sens-là, ça ne leur plaît pas non plus.
Voilà, vous me direz, tout ça, ça ne pose un "problème" qu'aux journalistes, rien de grave.


Sauf que.


Sauf que les politiques, si bien décryptés, scrutés, révélés aux heures de gloire de l'émission, ne veulent plus se faire piéger non plus. Et on les comprend ! Une anecdote : j'ai beaucoup suivi François Hollande, notamment au moment de sa réélection à la tête du Conseil général de la Corrèze, prélude à sa bataille présidentielle. Au début, François Hollande était un homme politique drôle, avec qui l'on pouvait discuter, voire même plaisanter quelques instants au cours d'une visite politique. Comme tous les politiques, le socialiste a aujourd'hui verrouillé son discours. Son équipe et lui font attention à chaque petite phrase, chaque laisser-aller, chaque échange un peu hors cadre qui pourrait tomber dans l'escarcelle du Petit Journal. On a même entendu des conseillers murmurer discrètement à leur boss : "Attention, le Petit Journal est là..."
Motus. Et là, ils sont pris à leur propre jeu. Pour moi, leur concept s'essouffle. Et tout le monde y perd un peu (les journalistes aux méthodes plus "classiques" aussi, car plus personne ne veut répondre à qui que ce soit. Paranoïa, quand tu nous tiens !). Dommage, non ?


Sinon, je le regarde dès que je peux moi aussi ;-)


Vous en pensez quoi, vous ?


Pau.


ps : Tiens, en parlant de carte de presse ! Ils étaient gentils, tout à l'heure, hein, avec Valérie Trierweiler (future ex-journaliste), au Grand Journal... Bon, j'ai raté le début de l'émission, soit. J'ai peut-être aussi raté la question choc. Mais ils avaient tellement envie de tous lui demander plein de choses gentilles et consensuelles, qu'elle a eu à peine le temps de répondre. Bref, comme on dit là-bas, on a rien appris. Il y a débat ?

6 commentaires:

  1. Je suis d'accord sur le fond de ton propos (arroseur/arrosé, difficulté pour les journalistes ...) mais il n'en reste pas moins qu'il est important pour les citoyens d'avoir une "contre vision" d'un monde politique qui s'éloigne de plus en plus des électeurs.
    Bises
    Britt

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  2. Personnellement, je pense qu'ils sont d'utilité publique et donc fondés à être titulaires de la carte. On pourrait aussi se poser la même question pour les journalistes qui font des ménages, pour ceux qui font de la publicité déguisée et même pour ceux qui font partie des voyages officiels de l'Elysée (place réservée dans Air Sarko One) pour rendre compte des déplacements officiels. Malheur à ceux qui posent trop de questions ou celles qu'il ne faut pas, ils seront mis au rencard et plus de place dans l'avion, donc plus de possibilité d'approcher ceux qui sont au centre de l'info. En fait, les limites sont mouvantes et c'est tant mieux puisqu'il n'y a pas deux infos identiques. Sans le petit journal, on n'aurait pas été au courant de pas mal de comportements douteux de nos édiles (ex Hortefeux avec ses sous propos racistes et condamné comme tel).

    Pascal B.

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  3. @ Britt et Pascal B., merci pour vos commentaires !
    Je suis d'accord avec vous, ils restent indispensables dans le paysage médiatique, et continuent de nous alerter sur beaucoup de sujets. Et beaucoup d'autres journalistes méritent sans doute moins leur carte de presse, c'est vrai ! Je pense simplement que les limites de leur exercice se révèlent peu à peu. Et qu'ils vont forcément devoir trouver d'autres méthodes, tout en gardant le même ton j'espère.

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  4. Mine de rien même si une partie de leur émission tiens surtout du spectacle et de la télé-réalité, on ne peut pas leur retirer un certain mérite.
    Entre autre, leur capacité de fouille dans les archives des discours passés pour les mettre en parallèle avec les discours actuels montre les divergences sur les chiffres utilisés, et leur déformations. Ou alors dans la mise en parallèle de de la même info tel que présentée par différentes chaînes d'information. Pour ça, leur activité tiens effectivement du journalisme. Pour le reste, c'est beaucoup de télé-réalité, et encore, vu sous un oeil pas forcément bien veillant.

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  5. Le débat sur la définition rigoureuse du journalisme est-il enfin ouvert?
    S.

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  6. Yo Pau.,

    Le Petit Journal est-il utile/inutile/fait-il du bon boulot/du mauvais boulot? J'en sais rien, et à vrai dire on s'en fiche complètement.

    Le Petit Journal mérite-t-il sa carte de presse? J'en sais rien non plus, mais si on décide que non, les mecs du Petit Journal ne sont pas des journalistes, il va falloir commencer à se demander si les mecs de la presse sportive, ciné, auto, féminine (la nouvelle robe de Pippa et le nouveau régime Dukon sont-ils plus "journalistiques" que les coulisses des campagnes des politiques?) sont des journalistes. On pourrait même commencer à se demander si les mecs qui couvrent le tournoi de pétanque au 13h de Pernaut sont des journalistes. On pourra même se demander si Pernault est un journaliste, et là, ce sera la fin de tout.

    Toi je sais pas, mais moi je mets pas le doigt dans cet engrenage, je tiens trop à mon 13h.

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