23 mars 2012

Y être ou ne pas y être



Telle est la question.

L'actu, c'est ça. On est là ou on n'est pas là au (bon) moment. Moi je n'étais pas à Toulouse. Dommage, me direz-vous, c'est pourtant pas bien loin. Et puis ils avaient besoin de renfort, c'était quand même l'actu de l'année.
Mais moi, j'étais en tournage du côté de Saumur. Super tournage par ailleurs, du bon vin, un bel endroit. Et surtout des gens adorables, le vrai plaisir du métier, au fond.

Oui mais voilà, l'actu nous est un peu chevillée au corps, comme on dit. Et j'ai passé deux jours à suivre minute par minute ce qu'il se passait du côté de Toulouse. Difficile de dire qu'on est "déçu", qu'on aurait aimé être présent, vu le caractère glauque de l'actualité en question... Mais on a juste envie d'être là où ça se passe. Sur le coup dont tout le monde parle. Pas par égocentrisme. Ni par voyeurisme en l'occurrence. Juste pour ressentir une fois de plus cette adrénaline de l'action, de l'information qu'on recueille. Cette espèce de toute puissance d'avoir l'info avant tout le monde et d'en être maître, quelques instants : je la vérifie, je la donne, je la mets de côté, je la mets en forme d'une manière ou d'une autre.
Difficile à expliquer, mais vivre l'événement sur place, et le faire vivre aux autres, c'est quand même autre chose que de le vivre derrière son écran. Frustrant. Et quand on y a goûté... Drogués de l'info, les journalistes ? Pas faux, il doit y avoir de ça.
Bref, ne pas y être.

Y être ou ne pas y être...
C'est un peu comme pour les gars du Raid. On y est (à leur place), ou on n'y est pas. Moi je n'y étais pas, alors je ne permettrai, en aucune manière, de dire comment ils auraient dû faire, et que tout cela est un échec. Je ne vais pas m'agacer trop fort, hein, le débat est bientôt terminé, je l'espère. Mais "les gens", ceux qui critiquent toujours les actions dont on ne sait rien me semblent bien présomptueux. Qu'aurait-il fallu faire face à l'ennemi public numéro 1, un homme violent, armé jusqu'aux dents et pour le moins instable ? L'homme qui regrettait de ne pas avoir fait plus de morts ? L'homme qui a, parait-il, "mené lui-même l'assaut" ? On ne sait rien de la manière dont tout cela s'est passé, du comportement de cet homme face à des professionnels archi formés à ce genre de situation, eux. Les presque 33h d'attente nous prouvent de manière assez éloquente, je crois, que les hommes du Raid ont tout fait pour avoir le suspect vivant, sans passer par la violence. La situation a basculé, voilà. Aujourd'hui, je ne leur jette pas la pierre, je n'ai aucune légitimité ni envie de le faire.
Le droit à l'information me direz-vous ?! J'y suis attachée, évidemment ! Que les journalistes posent des questions sur tout ça est un droit et un devoir, pour que l'on sache exactement ce qui s'est passé. Mais que tout un chacun se garde bien de dire si vite qu'il aurait fallu faire autrement, et de penser qu'il aurait fait mieux.
Sur Twitter hier, j'ai lu et aimé : "la France avait déjà 56 millions de sélectionneurs de l'équipe de France. On a maintenant 56 millions de chef d'équipe du RAID" ! Drôle non ? Il vaut mieux en rire.
Bref, y être ou ne pas y être. Quelle question...

Pour finir, et dans un registre beaucoup plus comique, ça me fait penser à cette définition dans le Baleinié (si vous ne connaissez pas ce "Dictionnaire des tracas" (éditions du Seuil), qui invente des mots pour donner des définitions à tout ce qui n'en a pas, je vous le recommande vivement, c'est tellement drôle...) :
"wabol : état ankylosé du bras au réveil
wabol ? : interjection qui exprime "Et moi, qu'aurais-je fait sous l'Occupation?"

Allez, j'y vais. Je vais essayer de comprendre comment Mélenchon peut aujourd'hui être le "troisième homme"... Toujours mieux que Marine Le Pen, j'en conviens.

A très vite,

Pau.

ps : juste pour rire, d'autres exemples du Baleinié, qui me parlent un peu...:
izguter : intervenir avec véhémence dans une conversation où on ne parlait pas du tout de ça.
seillon-pinquer : devoir expliquer ce qu'il y avait de drôle dans l'histoire drôle.
hurseoir : s'engager en courant dans un escalator en panne (com. : annoncer une bonne nouvelle à des gens qui la connaissaient déjà.)
wewedem : lutte discrète entre vous et votre voisin pour la possession de l'accoudoir (géopol. : conflit international qui a débuté avant votre naissance et qui dure encore)

3 commentaires:

  1. Très bien dit tout ça ma Pau! Bisous

    RépondreSupprimer
  2. Il vaut mieux en rire, dites-vous? Quel est le comique de la situation? Moi vous ne me faites pas rire.
    Armelle P. de Bassussary

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Armelle : On ne peut pas rire de tout, et je n'ai pas essayé de faire rire avec cette phrase. Comme tout le monde, j'ai pleuré devant ma télé.
      Alors "rire, "comique" : il y a l'ironie. Et le second, voire le troisième degré.

      C'est précisément parce que je trouve que TOUTES les situations étaient dramatiques, que critiquer, râler, porter des jugements et penser qu'on aurait fait mieux me paraît ridicule, vain, et indécent. C'est pour cela qu'un peu de décalage, sur ce point précis, ne fait pas de mal. Vous l'aurez remarqué, je ne parle pas du drame en soi, et de la douleur insupportable. Je n'ironise pas là-dessus, soyons clairs et justes. Certains comportements ensuite ont été ridicules. Je pense que ce genre d'événements devrait nous permettre de nous remettre en cause collectivement sur certaines réactions inutiles et déplacées.

      Supprimer