22 févr. 2012

Journalistes en rase campagne


Je confirme, nous sommes bien en campagne. En rase campagne, avec Nicolas Sarkozy, que j'ai suivi hier mardi lors de sa venue à La Rochelle.
Un déplacement de président-candidat ? Le Graal pour tout journaliste un peu féru de politique. Ou l'enfer, c'est selon.

Ok, c'est ultra organisé, verrouillé, millimétré. Ok, les équipes sont pros, au courant de nos contraintes, assez attentives et sympaes d'ailleurs. Oui mais voilà, il y a une donnée contre laquelle on ne peut rien : 120 journalistes autour d'un seul et même homme, ça reste un sacré bordel. Une guerre de tranchées dans laquelle s'affrontent notamment deux camps : les Parisiens, et les Provinciaux.

Les Provinciaux (je commence par eux parce que je les préfère, évidemment) : ils arrivent tôt, très tôt, parce qu'ils viennent par leurs propres moyens de la grosse ville la plus proche, en l'occurrence Bordeaux hier. Ils sont donc installés, aux meilleures places avant tout le monde. Parfois, ils attendent dans le froid, longtemps. Ils déroulent les câbles, installent le matériel. Ils assistent au ballet passionnant des préparatifs. Employés qui nettoient à la hâte des vitres que le président ne regardera pas, scènes qui se montent, attachées de presse en furie au téléphone ("CE N'ETAIT PAS CE QUI ETAIT CONVENU"), essais de son dans le micro pendant 25 minutes ("O, O, O, O, A, A, A, Paris-Bordeaux-Le Mans, Est-ce que vous me recevez), chien de la police qui passe et renifle chaque mini coin, même dans vos affaires et votre camion, attaché de presse qui revient "il faut vraiment que vous laissiez de la place à TF1 et France 2, je veux qu'ils soient bien placés"... Et puis c'est l'attente. Les Provinciaux ne sont pas toujours des spécialistes de politique, mais ce sont d'aussi bons journalistes que les Parisiens, je vous le promets. Ils pensent d'ailleurs qu'il est bon d'apporter un peu de sang et d'esprit frais à ces visites politiques toujours suivies par les mêmes journalistes. Qui dit mêmes journalistes, dit mêmes questions, dit copinage avec les attachés de presse et équipes de campagne, dit connivence ? Ce n'est qu'un schéma bien sûr.

Les Parisiens : ils débarquent quelques minutes ou une heure avant le politique, tous dans un bus mis à disposition par le ministère, ou l'équipe de campagne, après avoir pris un train conseillé. Parfois, ils débarquent avec la personnalité politique, et ont déjà commencé les discussions off ou interview pendant le trajet. Pour la petite anecdote, Ségolène Royal était hier dans le train des journalistes. Un bon moyen de contrer le président en campagne dans SA région. Elle a improvisé une conférence de presse dans le wagon restaurant pendant une demi-heure, si bien que la responsable du wagon, qui en avait marre de ranger ses M&M's bousculés par les journalistes, a fini par fermer son stand. Bref, ces journalistes, ce sont toujours les mêmes qui suivent les mêmes personnalités politiques. Je vous laisse juger vous-mêmes le degré d'indépendance et de capacité de critique politique. Ils sont costauds, aguerris, et viennent pour manger du petit Provincial. D'ailleurs, qui c'est, ces péquenauds qui pensent pouvoir parler de politique ? Evidemment, il y a des exceptions, des Parisiens sympas et compétents, notamment ceux avec qui j'ai bossé.
Il y a, logiquement, une forme de solidarité entre les membres de chaque camp. Evidemment, vous n'allez pas pourrir la photo du Bordelais que vous devrez retrouver demain sur un petit reportage sympa.

Entre les deux, c'est la guerre. Ou presque. On se bouscule violemment, on se marche dessus, on passe devant quand vous êtes en train de faire votre image, on gueule. Ajoutez à cela la tendresse légendaire des chargés de sécurité du président et vous obtenez une bataille complétement dérangée dans laquelle le plus fort, le plus grand, le plus malin, (parfois le plus méchant) a de fortes chances de sortir vainqueur. Pas moi, donc.

On rentre le corps meurtri, des bleus partout, les pieds en compote. Je ne vous parle même pas des chaussures saccagées (snif), du mal de crâne (genre belle cuite) et des courbatures le lendemain qui vous font marcher comme une mémé (et dire que la campagne ne fait que commencer...).

Il faut relativiser tout ça, c'est dur pour nous, mais surtout pour le public. Lui aussi a attendu le président pendant des heures, mais lui n'en verra rien, sauf la meute. Aux Boucholeurs, Nicolas Sarkozy décide de faire un bain de foule. Beaucoup de supporters (pas d'opposants, je vous rassure, tout avait été bien calé de ce côté-là aussi) l'attendent. La foule, compacte, violente, de journalistes et de gens qui veulent une photo, une poignée de main, emporte tout sur son passage. Derrière moi, un vieux monsieur serre fort sa femme dans ses bras, terrorisée à l'idée de perdre pied. "Ne t'inquiète pas, Jeanine, il ne peut rien t'arriver ici avec moi" (C'est miiiignooooon. Oui Jeanine, ne vous inquiétez pas, avec le nombre de flics et d'agents de sécurité au mètre carré, il ne peut rien vous arriver ici). Comme vous l'imaginez, cet ouragan médiatique laisse d'heureux souvenirs aux passants...

Voilà, sinon, Nicolas Sarkozy (ah oui, c'est vrai, il était là !) n'a rien dit. Enfin si, plein de choses, mais rien qui restera dans les annales de la Ve République. Pour info chers amis, sachez que vous lisez la spécialiste des questions complètement lunaires (ou inutiles, c'est selon). Lors d'un rare moment où j'ai réussi à approcher Sarkozy, j'ai quand même réussi à lui dire qu'il avait l'air d'aimer particulièrement cet exercice, et j'ai fini par lui demander s'il prenait "son pied" en campagne. Il m'a regardée, il a rigolé (il s'est dit, c'est qui cette barjo ?) et m'a répondu un truc du genre "je ne dirais pas les choses comme ça", et a fini par dire qu'il préférait ça aux visites avec protocole.

Nous, finalement, un peu de protocole...

A très vite,

Pau.

ps : et c'est partiiiii pour Brive, un petit meeting avec Jean-François Copé. Passionnant.

2 commentaires:

  1. Alors est-ce que cette fois je vais pouvoir donner mon avis Blogspot ?

    Merci Pauline pour cette tranche de campagne, on s'y croirait (et ça donne pas envie)
    Allez courage, JFC t'attend et reviens nous dire hein. On attend !

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  2. pauliiiiiiiiiiiiiiine, énorme ce billet. bien drôle, et rondement écrit. là, sont les dessous des sorties éclair de nos politiques, c'est chouette à découvrir. Et que dire de ta franchise : parler de ta subtile question, joli! merci de partager ça. Mais en même temps, demander à sarko, s'il prend son pied. trop bon.

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